Locataire d’un bail commercial : dans quels cas avez-vous le droit à une indemnité d’éviction ?

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location bail commercial

Nous avons régulièrement des locataires de baux commerciaux qui nous sollicitent à la suite d’une demande de congé délivrée par le bailleur : on leur demande de partir, et ils souhaitent connaître leurs droits. Rappelez-vous que le bail commercial est un contrat protecteur pour le locataire, qui a le droit de se maintenir dans les lieux. C’est ce que l’on appelle la « propriété commerciale ».

À défaut, si le bailleur souhaite résilier le bail commercial, le locataire a le droit au paiement d’une indemnité d’éviction.  L’indemnité d’éviction a justement pour but d’indemniser le locataire si le bailleur lui demande de partir ou refuse de renouveler le bail commercial.

L’idée est d’indemniser le preneur pour la perte de son fonds de commerce, l’indemniser pour les efforts qu’il a déployés pour développer sa clientèle au fil du temps. À l’aide de notre expertise d’avocat spécialisé en bail commercial, nous vous présentons les principes du paiement de l’indemnité d’éviction : cas où elle est due, mode de fixation, règlement.

Dans quels cas le locataire a-t-il le droit au règlement d’une indemnité d’éviction ?

Le locataire a droit au règlement d’une indemnité d’éviction, chaque fois que le bailleur lui demande de partir prématurément (avant la fin du bail) ou bien que le bailleur refuse de renouveler le bail commercial (congé sans offre de renouvellement).

Attention : indépendamment du droit au paiement d’une indemnité d’éviction, le locataire d’un bail commercial doit savoir que le bailleur n’est pas autorisé à donner congé à n’importe quel moment.

En principe, le bailleur doit attendre la fin du bail commercial (9 ans, ou plus si le bail est prévu pour une durée plus longue) et respecter un préavis de 6 mois avant de donner congé. Les seuls cas où le bailleur peut donner congé avant l’expiration du bail sont les suivants (L. 145-4 du Code de commerce) :

  • Afin de construire, de reconstruire ou de surélever l’immeuble existant,
  • De réaffecter le local d’habitation accessoire à cet usage,
  • De transformer à usage principal d’habitation un immeuble existant par reconstruction, rénovation ou réhabilitation,
  • D’exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d’une opération de restauration immobilière et en cas de démolition de l’immeuble dans le cadre d’un projet de renouvellement urbain.
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En dehors de ces hypothèses, le bailleur devra attendre la fin du bail pour donner congé. Dans cette hypothèse, il pourra :

  • Soit délivrer congé avec offre de renouvellement : en ce cas, les parties doivent simplement convenir du nouveau loyer, mais le bail se poursuivra quoi qu’il arrive ;
  • Soit donner congé sans offre de renouvellement : en ce cas, le bailleur devra payer une indemnité d’éviction à son locataire.

Nous insistons sur ce point, car trop de fois nos clients l’ignorent : le droit au paiement d’une indemnité d’éviction n’est pas optionnel, ni réglé au bon vouloir du bailleur. C’est une obligation légale.

Comment est calculé le montant de l’indemnité d’éviction ?

Il faut savoir qu’il n’existe pas de texte de loi définissant précisément les modalités pour le calcul de l’indemnité d’éviction due au locataire par le bailleur.

Cependant, on se référant aux nombreuses décisions jurisprudentielles rendues sur ce point, et compte tenu des usages et de la pratique, on peut retenir les facteurs suivants pour déterminer la valeur de l’indemnité d’éviction :

  • les frais de réinstallation supportés par le commerçant évincé,
  • la valeur du fonds de commerce exploité dans les locaux loués (en retenant généralement le chiffre d’affaires moyen des 3 dernières années, calculées hors taxe),
  • les frais supportés par le commerçant pour le déménagement du fonds de commerce ;
  • les éventuelles indemnités de licenciement dues aux salariés s’il en existe et que la perte du fonds de commerce implique leur licenciement ;
  • les indemnités pour perte de logement dans le cas où le bail était mixte et comportait aussi des locaux à usage d’habitation ;
  • d’autres droits accessoires, tels que la perte d’une licence éventuelle (tabac ou licence III ou IV pour l’alcool, etc.).

Si l’on synthétise, l’idée est la suivante : l’indemnité d’éviction doit compenser la perte du fonds de commerce subi par le locataire. Ainsi, quand on calcule son montant, on procède peu ou prou avec les mêmes bases que pour l’estimation du fonds de commerce. C’est pratiquement comme si le bailleur devait racheter le fonds à son locataire.

À quelle date fixe-t-on le montant de l’indemnité d’éviction ?

Le préjudice du locataire évincé doit est déterminé soit au jour exact de son départ des locaux loués, soit à la date de décision du juge fixant l’indemnité d’éviction, dans le cas où il serait saisi.

Que se passe-t-il pour le locataire s’il ne trouve pas d’accord avec son bailleur pour fixer l’indemnité d’éviction ?

Baptiste RobelinNormalement, le montant de l’indemnité d’éviction est fixé entre les parties,  aux termes d’un accord amiable. Le bailleur et son locataire doivent ainsi trouver un arrangement en fonction des éléments financiers apportés par le locataire (comptabilité, attestation d’expert-comptable, etc.).

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Il est assez fréquent de faire appel à un expert.

En cas de désaccord entre le bailleur et le locataire, le montant de l’indemnité d’éviction pourra être fixé judiciairement par le tribunal judiciaire du lieu de situation du restaurant. C’est la partie la plus diligente, celle qui y aura le plus d’intérêt, qui saisira le tribunal. Généralement, le locataire évincé qui souhaitera contester le montant d’indemnité proposé par son bailleur.

Les Juges du fond sont entièrement souverains pour apprécier le montant de l’indemnité d’éviction due au locataire. Le plus souvent, le tribunal désigne un expert judiciaire pour déterminer la valeur du fonds de commerce et le coût d’un éventuel déménagement.

Dans quels délais l’indemnité d’éviction doit-elle être payée au locataire par le bailleur ?

Dès que les deux parties se sont mises d’accord sur le montant de l’indemnité d’éviction, celle-ci doit être payée au locataire par le bailleur.

Ce dernier dispose toutefois d’un délai de quinze jours pour se rétracter et proposer éventuellement le renouvellement du bail commercial (ce sera généralement le cas s’il découvre en cours de discussion que le montant est trop élevé pour lui).

C’est pourquoi le processus est long. Nous le rappelons souvent à nos clients preneurs : ce n’est pas parce que le bailleur sollicite votre congé que vous serez parti demain, bien au contraire.

Quels sont les cas dans lesquels le bailleur peut être autorisé à ne pas payer d’indemnité d’ éviction ?

Dans certains cas exceptionnels, le bailleur est en droit de refuser de renouveler le bail sans payer d’indemnité d’éviction à son locataire. Ce sera notamment le cas pour les motifs suivants :

  • reprise de l’immeuble par le bailleur, dans le but de le démolir, lorsqu’il est en état d’insalubrité ou ne peut être occupé sans danger en raison de son état ;
  • justification d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant (si le locataire ne paye plus les loyers ou ne respecte pas les conditions du bail notamment)
  • reprise pour habiter l’immeuble, droit pouvant bénéficier aussi bien au bailleur, qu’à son conjoint, ses ascendants et descendants et ceux de son conjoint ;
  • reprise pour construire un local d’habitation sur un terrain nu.

Dans tous les autres cas, le bailleur sera tenu de verser une indemnité d’éviction à son locataire s’il refusait de renouveler le bail commercial, ou souhaitait donner congé prématurément.

Nous avons vu trop de cas dans lesquels les locataires ne connaissant pas leurs droits, acceptaient de partir sans être indemnisés par leur bailleur, ou bien en acceptant une indemnité ridicule, sans commune mesure avec le chiffre d’affaires du restaurant ou de l’hôtel.

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Or il ne faut pas avoir peur d’entrer en voie de négociation avec son bailleur, voire d’initier un bras de fer judiciaire si nécessaire pour faire valoir ses droits. Nous vous conseillons vivement de vous faire accompagner par un avocat spécialisé le cas échéant.

Sur l’auteur : Baptiste Robelin est avocat au Barreau de Paris, expert en droit immobilier. Son cabinet NovLaw est basé à Paris et à Lyon.

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